Épisode 21, le 4 décembre 1993. Des phalènes ou des lucioles.
Quelque part dans la jungle, le 4 décembre, environ vers 2h du matin.
On m’a enlevé la cagoule et j’ai pu entrevoir une pièce d’au moins trois mètres carrés, avec ses murs et son toit construits en bâtons, des fibres de chanvre entrelacées avec des bambous. De la terre cuite du plancher s’élevait une table en bois qui montrait déjà les signes d’un long usage. Ma chaise, derrière, craquait au moindre mouvement. Une lampe Coleman pendait d’une poutrelle et projetait plus d’ombre que de lumière. Ils étaient plusieurs, en uniforme militaire et masqués. Ils sont sortis et je suis resté seul. Ils m’ont donné le temps d’organiser mes idées, de reconstruire les événements des dernières heures. La trahison de Dago — j’aurais préféré qu’il me pousse dans l’étang du Piracurú, cet après-midi à Morelia, et que ce poison biblique m’avale pour toujours. L’amitié de Rogelio, un ange gardien incapable de me sortir du pétrin, un Virgile à temps partiel à travers les cercles de cet enfer amazonien. Et le Tarot de Tamara, un oracle qui s’est dévoilé sans que je l'aie sollicité. Il ne reste qu’à lever le rideau du dernier théâtre et attendre cette entrevue avec mon sort…
Encore moins que ma vue… Et si je respire profondément ?
/Faites une grande inhalation pour que Sebastián reprenne la totalité de sa vue et cliquez/
*La vue est maintenant stable et claire. Un instant de répit...*
/Cliquez pour voir les phalènes. Si vous lisez avec un dispositif à un petit écran, touchez les phalènes avec votre doigt le plus mince. Elles n'aiment pas les grosses surfaces. Soyez patient... vous pouvez aussi tomber dans l'hypnose.../
Est-ce que ce sont des papillons de nuit que je vois autour ou des taches imprimées sur mes pupilles ?
**/Cliquez sur l'un des points/**
. . . . . . . .
Mon portefeuille-caïman? Ils ont fouillé dans mes cartes et les textes du Frère et de l’Ingénieur?
/Cliquez/
Qui est-ce? La Commandante? Je connais cette femme… ou je suis encore ébloui comme les phalènes?
/Cliquez/
LA COMMANDANTE : À en juger par votre expression, vous devez me connaître… On parle beaucoup de moi aux nouvelles…
/Cliquez/
LA COMMANDANTE : Mais ailleurs, je suis bel et bien Marie-Josée Laverdière, alias La Canadiense… Et maintenant arrêtons tout papillonnage, Monsieur Saad…
Cela me rappelle mon père. Une fois, il m’a dit que, pour les poètes et les philosophes, cette vie est une illusion… Combien j’aimerais que ce moment le devienne et que cette pièce disparaisse. Si je me réveillais maintenant dans mon lit, chez ma mère, à Barranquilla, j’entendrais sa marche lente le long des corridors et les conversations qu’elle entretient avec les canaris, lorsque les cages n’étaient pas vides.
/Cliquez sur un autre point/Un papillon de nuit ou une phalène… pourquoi pas une luciole ? C’est quoi déjà la différence?
/Cliquez sur un autre point/Si j’étais encore moi, mais sans l’idée du fleuve fantôme?
/Cliquez sur un autre point/Manifester le réveil après une telle dépossession…
/Cliquez sur un autre point/Chez Rumi, un poète persan du 13e siècle, la phalène se jette dans le feu. L’amour divin carbonise son corps…
/Cliquez sur un autre point/Les dimanches sur le hamac, mon père me lisait Les Mille et Une Nuits… et quelques poèmes, quelques fables éparpillées de ce Moyen Orient lointain, antique, imaginaire, aux antipodes de l’homme que je m’avère être maintenant.
/Cliquez sur un autre point/Attar de Nishapur, un autre poète persan du Moyen Âge, parlait aussi des phalènes. Trois phalènes. La première s’approche du feu, le survole et revient pour dire qu’elle sait ce qu’est l’amour. La deuxième frise la flamme de ses ailes, aussitôt roussies, et affirme qu’elle a fait une connaissance en profondeur de l’amour. Mais la troisième plonge dans le centre de la bougie et se confond pendant quelques secondes avec la mèche avant de devenir une auréole flamboyante. Puis des points minuscules de lumière flottant dans l’air. Voilà la vraie nature de l’amour.
/Cliquez sur un autre point/Et si le soleil n’était qu’une luciole dont la lumière dure des millions d’années… et notre civilisation, une phalène captivée qui arrivera bientôt à son extinction…
/Cliquez sur le rideau de l’entrée/


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